Mémoire et arrachement


Beirut, Magazine 24/05/2002

Joseph Chahfé: Mémoire et arrachement
by Christiane Tajer

La galerie Janine Rubeiz présente jusqu’au 8 juin les œuvres du peintre Joseph Chahfé. À travers ses toiles, apparaît tout un monde où l’on découvre petit à petit le véritable visage de l’artiste.

« Des murs ravagés, dévastés par le temps, témoignage du vécu des conflits politiques, sociaux, économiques de la guerre. À travers ces murs, on voit des graffitis, des calligraphies, des traces, des symboles, à moitié effacés, qui vont créer les caractéristiques picturales-murales. Ce sont des éléments déclencheurs du processus d’un travail qui transforme cet état perpétuel en questionnement symbolique sur l’état de la société où j’ai vécu, les bouleversements identitaires et les conséquences de ce conflit ». Libanais, installé au Canada depuis plusieurs années, l’artiste essaie de comprendre son pays. Joseph Chahfé a recours à l’accumulation de la matière, à son épaisseur, afin de transposer cette accumulation de mémoire. Il travaille la matière en passant par plusieurs étapes. « Je veux créer des surfaces hybrides, résultat du mélange de ciment, plâtre et acrylique, afin de graver sur ces surfaces de nouveaux symboles graphiques (écriture, chiffres). J’interviens par la suite en déchirant et en laissant les traces de cette intervention apparaître en surface. L’étape suivante se constitue à partir d’un travail de la couleur, qui, la plupart du temps, correspond à des tons de terre dominants. Le noir vient accentuer  mon point de vue calligraphique, et c’est une étape intermédiaire qui fait ressortir le fond, exigeant que l’énergie de la surface interne de l’objet pictural soit mise en évidence. »  Ensuite, le peintre couvre à nouveau la toile avec coton plâtré coloré, et après il laisse sécher pour l’arracher totalement. « Ce processus va créer des surfaces visibles internes à demi masquées par la matière externe, produisant une ambiguïté entre l’apparition et la disparition du signe. À travers ce dualisme pictural, je confronte le conflit identitaire. De cette manière, je reviens à la disparition et à l’apparition d’acquis d’une appartenance culturelle hybride ».